Vincent et moi 7.

Maintenant je crains de recevoir la photo d'elle qu'elle doit m'envoyer. J'ai cru deviner à demi-mot qu'elle n'etait pas bien jolie. Je me fiche que ma nouvelle amie soit jolie ou pas. Ce que je n'aime pas, ce sont les mots de circonstances, qu'il faut dire, trouver des tournures hypocrites. Et puis, elle est trop fine pour ne pas deviner quand je deviens insincère.
Je reçois sa photo. Je m'exclame ! Mais c'est une indienne ! et ravissante. A vu de nez, elle est plus proche de 35 que de 40 ans, ce qui ne cadre pas avec les indices qu'elle m'a donné. Qu'importe, elle est vraiment jolie, je lui dit sans façon. Tout ceci n'est pas si important.
C'est une indienne, me suis-je donc exclamé en la voyant. En réalité Vincent l'est et ne l'est pas. Certaines photos accusent les gênes indiens qu'elle porte en elle. Par instant les traits européens ressurgissent. L'histoire est compliqué, c'est l'histoire du peuplement latino-américain qui coule dans ses veines. Un nom européen et un visage d'indienne, voyez-vous ça. Au demeurant, ses parents nient farouchement toute ascendence indigène, au mépris de l'évidence.
Les mélanges se sont faits, dans les estancia, une ancêtre qui faute avec un indien, qu'en sait-on ? A peu près rien. Ce qu'on sait, en la voyant c'est que le sang indien irrigue ses veines. Les photos de son grand-père qu'elle me montrera plus tard offrent un démenti cinglant aux dénégations maternelles. Si Vincent a des traits indiens, alors que dire de sa soeur ... j'apprend à connaitre la relation complexe qui relie les latinos à leur racines indigènes. Vincent aime que je lui trouve du sang indien. Mon regard de français lui fait porter un regard nouveau sur elle-même.

Vincent et moi 6.

Dans toutes ces correspondances sur Internet, il y a des passages obligés. Demander l'âge de son correspondant! ce qu'on fait rarement dans la vie réelle, parceques les rides, les cheveux blancs qui apparaissent nous renseignent suffisemment et qu'on n'a pas besoin de savoir plus. Elle me demande mon âge, mais refusera toujours de me donner le sien. Elle me dit simplement: Ne crois pas que je vais te donner mon âge aussi facilement. J'ai eu cinq fusils chez moi, et aucun ne l'a jamais su. Il me faudra des années pour connaitre son âge réel. Aux indices qu'elle me donne, il me semble qu'on a, à peu près le même âge.
Mais vient le moment où elle me dit: j'aimerais voir le visage de celui qui me lit. Je suis partagé. j'aimais l'idée d'une amie sans visage, j'aime que notre amitié naissante ne repose que sur nos mots, sans qu'entre en compte une séduction physique. Pourtant je lui envoie une photo récente. Voilà ce qu'elle me répond:
Mais laisse-moi te dire: J'adore ta photo!!!!! C'est quoi derrière toi? La mer???? C'est où?????? Et tu regardes quoi????? Tu sais, c'est très surprenant, parce que même si je ne me faisais pas une image précise de toi, je me rends maintenant compte que j'avais une espèce de brouillon. (Non, je ne t'ai pas déviné, tu es différent! Mais maintenant tu te ressembles beaucoup, tu sais?

Vincent et moi 5.

Nous avons pris nos petites habitudes. Le décalage horaire fait que j'ai ses mails en arrivant au boulot. c'est un plaisir du matin de découvrir tout ce qu'elle m'a écrit dans la nuit. Elle est tour à tour curieuse, passionnante, complexée, enfantine. Sa culture littéraire est impressionnante . Pour autant, elle me parle de son complexe de tiers-mondiste, qui m'etonne parceque je n'ai pas l'occasion tous les jours, dans ce " premier monde" qu'elle semble porter aux nues, et en tout cas qu'elle idéalise manifestement, de rencontrer une pensée aussi subtile, tiers-monde ou pas.
Nous nous sommes bien trouvé tout les deux. Elle ne parle que par allusion, mais elle me dit que " l'amour me touche de sa grâce et puis me fuit", et je comprend que notre correspondance vient à point nommé pour mettre du baume sur des blessures douloureuses. De mon côté, j'ai toujours aimé les amitiés féminines et je n'ai jamais compris ces gens qui prétendent que l'amitié entre un homme et une femme est impossible. Et puis, elle comble en moi un peu de ce vide immense qu'à laissé la mort de C.